L’arrivée à Kerguelen est prévue pour demain matin. La côte ne sera malheureusement pas visible avant la nuit si ce n’est au radar. Nous découvrirons donc Kerguelen demain matin au réveil. Kerguelen tel un cadeau de Noël sous le sapin ! Je pense que c’est vraiment le plus beau cadeau qu’on puisse nous faire ! Nous avons tous vraiment hâte de quitter le bateau et son bruit de moteur incessant et assourdissant, de pouvoir de nouveau poser les pieds sur le plancher des vaches.
Comment vous décrire la traversée ?
Je vais essayer de faire le plus court possible et de me concentrer sur les points qui vous intéressent.
Tout a commencé il y a maintenant un peu plus d’une semaine. Nous sommes arrivés à La Réunion mercredi 16 décembre vers 9h30. Un taxi est venu nous prendre pour nous conduire directement au Port où La Curieuse nous attendait. Cette dernière était à quai juste derrière le Marion Dufresne. C’est sûr que vue sous cet angle, La Curieuse prend des allures de Twingo de l’océan (pour paraphraser Nico!). Mais en aucun cas elle ne semble ridicule. La Curieuse est un bateau robuste, construit pour résister.
Vers 16h nous quittons le port…c’est parti pour 9-10 jours de traversée. Très rapidement, la houle se fait ressentir et le bateau se met à tanguer. C’est bien là le problème de La Curieuse : c’est un bateau robuste mais qui prend très (trop) facilement la houle…Au bout d’une bonne heure je ressens un certain mal être. Je sors donc ma première arme anti mal de mer : les bracelets Sea Band! Foutaise ces trucs là ! 30 minutes plus tard je rends par-dessus bord! J’essaie bien ensuite de prendre des cachets mais chacun d’entre eux finit inexorablement dans l’eau! Petit à petit l’état de chacun se dégrade. Le ventre barbouillé, incapables de manger ou boire quoique ce soit (pas même un grain de riz ou de l’eau), nous nous réunissons sur le pont pour vomir en collectivité! Nous finissons donc par adopter le patch et par regagner nos couchettes en espérant trouver le sommeil.
Je vous assure une chose : quand on est dans un état pareil on se dit que c’est pas possible de tenir de coup pendant 10 jours!
Les activités à bord sont très limitées. Il faut s’imaginer une vie de chat! Je ne plaisante pas. En gros notre activité se limite à dormir, se lever pour aller manger (nourriture très bonne soit dit en passant), retourner se coucher pour digérer, faire sa toilette. Aller prendre l’air de temps en temps, regarder un film, lire, faire du crochet. Je pense avoir fait le tour. Et bien je ne souhaite ça à personne. C’est vrai que c’est bien agréable le temps d’un week end au coin du feu (je t’y prend frangine! lol). Mais ça s’avère très pesant au bout de quelques jours. Du coup, on perd très vite toute notion du temps. 8 jours que nous sommes en mer et pourtant j’ai l’impression que ça fait une éternité. Je n’envierai plus jamais un chat qui se prélasse au soleil quand toi tu pars bosser!
Et la météo ça donnait quoi?
Bah dans l’ensemble on n’a pas trop à se plaindre. Les deux premiers jours, nous avons eu une houle assez forte pour nous rendre malade. A bien y penser je ne pense pas qu’il nous fallait grand-chose!
Ensuite nous avons eu 2-3 jours avec une mer calme. Quel soulagement de pouvoir enfin manger sans se soucier de son verre d’eau et de ne pas avoir à jouer les équilibristes au moindre déplacement.
Mais doucement et sûrement, nous nous approchons des 40e rugissants. Le Capitaine nous demande de ranger nos affaires car ça risque de secouer dans la nuit ! Et on nous interdit de sortir sur le pont supérieur ! On se prépare donc tous psychologiquement à vivre une tempête dans la nuit. Seul hic : nos patchs du départ ne sont plus efficaces. La grande question est alors de savoir si on en remet un ou pas! Pour le moment nous décidons d’attendre : d’après Pierrick, « se patcher, c’est tricher! » Finalement, la nuit ne s’avère pas aussi mouvementée que prévue. Il y a bien des creux de 3-4m mais la période des vagues est grande donc on est remué en douceur (tout est relatif !). Il n’empêche que le lendemain, les patchs sont de retour à l’oreille…on se sent un peu ballonnés et mieux vaut éviter de revivre l’épisode du premier jour.
Ca va maintenant faire 2-3 jours que la mer est dans le même état. Juste pour vous donner une idée, il arrive au bateau gîte sur 30° (quelque fois plus). En tenant compte du retour ça nous fait une amplitude de 60-70 degrés…autant dire que oui ça bouge dans La Curieuse…pas pour rien qu’elle est surnommée La Machine à Laver Pas toujours évident de trouver le sommeil dans de telles conditions! En effet, les positions qui t’évitent de rouler dans ta couchette sont malheureusement les plus inconfortables!
Pour ce qui est des températures, on est parti de La Réunion avec un peu plus de 27 degrés. Aujourd’hui il fait 6 degrés dehors. C’est amusant car la chute des températures ne se fait pas de façon continu et régulière. En effet, au bout de 4-5 jours, on sent la température de l’air diminuer assez rapidement. Au matin tu es en short et débardeur dehors. Le soir tu enfiles une petite polaire! Mais le plus marquant c’est le moment où on passe le front de convergence polaire. Cette fois-ci c’est la température de l’eau qui chute. Tout devient radicalement différent quand on passe ce front. En effet, c’est seulement à partir de ce moment qu’on peut observer quantité d’oiseaux marins. Ils sont désormais une bonne dizaine à suivre le bateau : Pétrel soyeux, Pétrel noir, Grand Albatros (vraiment énorme avec un peu plus de 3 mètres d’envergure), Albatros à Bec Jaune,…
Vendredi 25 décembre.
Ca y est nous sommes bien arrivés!
Quel magnifique cadeau de Noël de pouvoir apercevoir les côtes de Kerguelen au petit matin. Nous sommes arrivés sur PAF en fin de matinée escortés par des dauphins de Commerson.
Je retrouve enfin Lise (ma binôme Ecobio), Alexia et Marine (les 2 Ecobiotes de la 59e) qui se chargent de me faire découvrir la base. Pas facile de s’y retrouver avec toutes ces nouvelles têtes. Et le mal de Terre n’aide pas non plus.
A peine quelques heures que je suis ici et je sais déjà que je vais passer une année inoubliable. On se croirait dans un documentaire animalier. Tu marches au milieu des jeunes éléphants de mer et les goélands présents sur base semblent avoir oublier qu’ils savent voler (ils ne s’inquiètent de toi que quand tu es à 50cm d’eux). Je vous assure c’est un truc de folie…et ce n’est que le début!