Et comme le mois de mars s'annonce aussi chargé (et palpitant) que le mois de février, j'anticipe et profite du week end pour vous donner quelques news depuis les Terres australes. Il faut dire, depuis que nous sommes rentrés jeudi de Cochons, j'ai enfin l'impression de pouvoir souffler. Quelques jours sur base, ça fait un bien fou. Enfin un vrai week end! Le calme avant la tempête car le mois de mars s'annonce...sportif!
Ces deux dernières semaines, nous avons terminé notre tour des îles du Golf du Morbihan. Il y a bien quelques îles sur lesquelles nous n'avons pas posé les pieds mais il faut garder une part d'inconnu... Et puis, on peut s'estimer heureux d'avoir pu séjourner sur celles où nous sommes allés. Certaines personne sur base n'auront pas la chance de visiter ne serait-ce qu'une seule d'entre elles.
Du 15 au 19 février, j'ai passé 5 jours sur Guillou accompagné de Lise (on change pas une équipe qui gagne) et de François (qui bosse pour un programme d'étude sur les populations de Salmonidés). L'île Guillou est la dernière du Golf et elle a la particularité d'être quasi raccordée à la Grande Terre. Une grille a d'ailleurs été érigée au niveau du passage pour empêcher les chats et les lapins de venir (re)coloniser l'île.
L'éradication du Lapin a semble-t-il été efficace. Par contre, nous avons vu un chat roder à proximité de la cabane...y aurait-il une fuite?
La cabane de Guillou est très connue. Avant même d'y aller, tout le monde en parle! Certes, elle est peinte en rouge et bénéficie d'une vue magnifique sur île Longue mais ce n'est pas la raison de sa célébrité!
Vous allez rire mais ce sont ses WC qui sont à l'origine de cet engouement...les plus beaux WC du Golf! Après un séjour de 5 jours sur place, je dirais même les plus beaux WC de Kerguelen!
Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais avec ses murs rouges, sa porte bleue et sa fenêtre en forme de coeur, on se croirait projeté dans Alice au Pays des Merveilles! On y passerait des heures juste pour le plaisir d'observer le paysage!
Au programme sur Guillou, des transects, des transects et encore des transects...44 au total. Histoire de rajouter un peu de piment à tout ça, la météo a fait des siennes et le vent a soufflé...rafales à 60 noeuds (environ 120 km/h) pendant deux jours!
L'équipe de la logistique IPEV nous a rejoins sur Guillou jeudi pour faire quelques réparations dans la cabane. Nous avons donc passé la soirée à 6 dans une petite cabane...au moins, pas besoin de radian!
L'occasion de goûter aux moules! François s'était chargé de les ramasser dans la journée. En rentrant, session nettoyage et hop à la casserole...avec de la bière. Un pur délice! De loin les meilleures moules que j'ai jamais mangé. Le tout accompagné de frites et d'une dose de bonne humeur...une soirée que je suis pas prêt d'oublier!
Le lendemain, debout à 6h pour effectuer une manip de prélévement d'Acaena et de Taraxacum ainsi que des mesures d'humidité du sol...sous la pluie! Pas le choix, cette manip devait être faite le jour du départ et le chaland passait nous prendre en fin de matinée!
Comme je vous le disez au début, nous avons terminé notre visite des îles du Golf par un séjour de 4 jours sur Ile aux Cochons (du 22 au 25). Pourquoi Ile aux Cochons? Il se pourrait qu'il y ait eu un essai d'élevage de Cochons sur cette île. En tout cas si ça a été le cas, aujourd'hui il est clair qu'il n'y en a plus.
Contrairement à Guillou, l'île aux Cochons se situe plutôt dans le premier groupe d'îles du Golf. Avec Cimetière et Chat, elle délimite une zone bien protégée du vent et de la houle. Raison pour laquelle La Curieuse vient s'y abriter quand la mer est agitée.
Ile aux Cochons est une île de taille raisonnable. Elle est composée de trois sommets dont le plus haut doit atteindre 120m. La cabane est placée dans la zone la plus plate de l'île. Il s'agit d'un chalet de jardin consolidé (pour résister au vent) et réaménagé à l'intérieur pour pouvoir accueillir 3 personnes. La porte vitrée et les fenêtres font de cette cabane un espace très lumineux et très agréable à vivre.
Depuis la terrasse, nous apercevons deux reliques historiques de Kerguelen: le Cimetière des baleiniers situé sur Ile du Cimetière et l'épave de l'Alberta échouée dans les années 30 sur Ile du Chat. Sur île aux Cochons, c'est un énorme chaudron en fonte qui se veut témoin d'une ancienne présence humaine sur le site. Ca fait toujours un drôle d'effet de voir ces traces d'activités qui datent du début du siècle, un peu comme si le temps s'était figé.
Autre particularité de l'île, l'ambiance sonore qui y règne à la nuit tombée. En effet, un très grand nombre de Pétrels y ont élu domicile dans des terriers. Invisibles en journée pour échapper à la prédation des Skuas, ils ne sortent que la nuit. Ainsi, dès qu'on met le nez dehors, on est supris par la quantité d'oiseaux qui volent autour de la cabane (ça fait un peu penser à un vol de chauves souris). Chacun y va de sa chansonnette pour le plaisir de nos oreilles. Kerguelen dans toute sa splendeur, quand bien même il fait nuit: un environnement qui ne cesse de stimuler l'intégralité de tes sens.
Par contre c'est aussi la fiesta sous le plancher! Une petite dizaine d'individus s'est en effet installée sous la cabane! Entre les poussins qui réclament à manger, les conflits de voisinage,...il est difficile de trouver le sommeil dans un tel rafut! Heureusement, le plein air, ça fatigue!
Pour ne pas déroger à la règle, le programme de ces 4 jours sur Cochons...des transects! Mais attention, pas n'importe lesquels! Ce sont nos 44 derniers transects.
C'est donc parti pour 3 jours de terrain. Avec nous, Liénor (la chef météo de la base) qui nous accompagne pour nous donner un coup de main et visiter l'île.
Nous quittons la cabane tôt le matin...le vent ayant tendance à se lever en fin de matinée! A midi, nous cherchons un petit coin abrité du vent pour nous enfiler un casse croûte. Puis c'est reparti jusque 17h. Une routine, certes, mais qui se veut efficace. Nous réussissons à boucler nos 44 transects dès le mercredi en milieu d'aprem. Le traditionnel "the last one" de Lise résonne d'une manière tout a fait différente...nous en avons fini de nos transects.
L'heure du bilan a sonné. Quelques calculs savants (j'exagère, juste quelques multiplications!) et nous en venons à la conclusion suivante: nous avons réalisé pas moins de 230 transects. Chaque transect mesure 20m. Ce qui, mis bout à bout, représente 4,6km de transects...que nous lisons le plus souvent accroupis ou sur les genoux! Par ailleurs, à raison d'un point contact (avec détermination des espèces végétales qui touchent la baguette) tous les 10 cm...ça nous fait en théorie....46 000 points contacts. Dans la pratique beaucoup plus car j'ai oublié de préciser que nous tenons aussi compte des strates verticales de la végétation. Donc à la fin de notre manip transect, nous avons fait pas loin de 80 000 croix et parcouru 4,6 km sur les genoux!...cool
Vu sous cet angle, ça peut sembler un peu reboutant comme manip. Mais c’est en fait une chance unique de comprendre comment s'organise la végétation sur les îles. Depuis le chaland, on a du mal à imaginer une telle diversité. Par contre, quand on a le nez dedans (au sens absolu du terme) les choses sont radicalement différentes. Chaque île a son histoire biologique, sa géologie, son relief, ses particularités météorologiques,…Tous ces facteurs combinés ont une influence sur la structure des communautés végétales et c'est une chance de pouvoir s'en rendre compte.
Il est désormais temps pour moi de laisser les îles pour quelques semaines. Le mois de mars sera dédié à la découverte de la Grande Terre et plus particulièrement de l'Est de Kerguelen. A la fin du mois, la péninsule Courbet n'aura plus de secrets!
Dès mardi, je pars pour 6 jours de marche avec Laurence et Maurice (deux scientifiques de mon programme). Itinéraire: PAF-Betsy-Cataractes-Cotter-Digby-Ratmanoff-Morne-PAF. Au passage, nous en profiterons pour passer voir la colonie de Manchots royaux qui se trouve à Ratmanoff. Difficile de passer à côté, c'est l'une des plus grosses colonies au monde...plus de 150 000 individus! Ca va encore être un truc de folie!
Le tour Courbet, c'est aussi l'occasion de voir des Grands Albatros, des Otaries et des Gorfous macaroni. Je n'ai encore vu aucun des trois. Comme quoi, même après deux mois sur Kerguelen, il me reste des trucs à découvrir...et pas des moindre!
Puis retour sur base pour un jour avant de repartir pour trois jours sur île Australia. Et ensuite, j'enchaîne directement avec le tour Courbet Ouest avec David et Matthieu (deux autres scientifiques Ecobio)...6 jours de marches dont voici l'itinéraire: PAF-Studer-Port Elisabeth-Baie Charrier-Baie Cascade-Studer-PAF.