25 déc. 2010

Rallier du Bathy

1771 / 1772

Deux bateaux, La Fortune et Le Gros Ventre, constituent la flotte de la première expédition du chevalier de Kerguelen.

A l'approche des côtes de cette terre inconnue, Yves de Kerguelen (à bord de La Fortune) donne l'ordre au Gros Ventre de s'approcher.

Nous sommes le 13 février 1772 quand Boisguehenneuc, Mengam et Rosily prennent possession de l'archipel « au nom du roi de France » en déposant une bouteille renfermant l'acte rédigé par Kerguelen.


Si Yves de Kerguelen n'a pas pu mettre pied à terre au cours de cette première expédition, il en fut de même lors de son second voyage sur l'île. L'archipel porte aujourd'hui le nom d'un homme qui n'y a jamais débarqué.



S'en suit une longue période pendant laquelle la France se détourne de l'île que les marins, phoquiers et chasseurs de baleines (surtout anglais et américains) nomment Île de la Désolation. Terre inhospitalière, sans arbres et aux ressources minérales limitées, il faudra attendre le début du XXe siècle pour que l'archipel intéresse de nouveau la France. Elle accorde au frères Bossières le droit d'exploitation sur Kerguelen qui se traduit par la naissance de Port Jeanne d'Arc (station baleinière) et de Port Couvreux (élevage de moutons).


A la même période, en 1908 / 1909, les frères Raymond et Henri Rallier du Baty explorent longuement les îles Kerguelen à bord du J.B Charcot. Raymond reviendra en 1913 / 1914 à bord de La Curieuse.



22 décembre 2010

J'embarque sur La Curieuse (qui tient son nom du bateau à bord duquel Raymond Rallier du Baty réalisa sa seconde expédition à Kerguelen). A la même date, un an auparavant, ce fier chalutier avalait les miles nautiques pour me conduire sur l'archipel. Rien n'a changé à bord. Je retrouve son odeur, le bruit et les vibrations de ses moteurs que je ne peux m'empêcher d'associer au goût de l'aventure. C'est presque comme si je ne l'avais pas quitté. Comme si mon année d'hivernage à Kerguelen n'avait été qu'un rêve.


Nous quittons le mouillage de Cimetière vers 23h et faisons cap vers la Péninsule Rallier du Baty (en hommage aux explorateurs Raymond et Henry Rallier du Baty).


23 décembre 2010

Après une nuit de navigation nous apercevons au loin les massifs de la péninsule qui marque l'extrême Sud-Ouest de Kerguelen.

Ce n'est que dans la matinée que nous nous engageons dans la profonde Baie de La Mouche. Cette dernière porte le nom de la chaloupe qui servit lors du premier débarquement sur l'île. Pour la petite histoire, cette même chaloupe, gênante et trop lourde pour être embarquée, fut abandonnée au large de l'entrée de cette baie.


Il est environ 13h30 quand nous jetons l'ancre dans le fond de la baie. L'endroit est très bien abrité du vent et de la houle. Une zone de mouillage idéale. Ça tombe bien car nous passerons les nuit suivantes à bord. Il est superflu de préciser comme il est appréciable de dormir et manger sans être balloter dans tous les sens.


Pas de temps à perdre, le travail nous attend. Nous embarquons sur le Zodiac pour être déposés à la cabane de La Mouche. Il faut savoir que de manière générale, la Péninsule Rallier du Baty est une partie de Kerguelen très rarement fréquentée par l'Homme. De plus, les vents dominants orientés Sud-Ouest ont servi de rempart contre la dissémination des espèces végétales introduites. Nous sommes donc sur un site encore bien préservé.

Notre rôle est avant tout de faire un état des lieux en décelant la trace éventuelle de plantes et d'insectes introduits. En parallèle, nous sommes en charge de réaliser des fiches de description des milieux pour le laboratoire et la Réserve Naturelle.


Pour cette première journée sur Rallier du Baty la météo aura été des plus clémentes. Et de retour sur La Curieuse nous avons la chance d'observer un magnifique crépuscule. Le soleil bas filtre alors dans les nuages et inonde la baie d'une lumière rasante et chaleureuse. Le vent est presque nul. L'eau est un miroir. Une ambiance des plus paisible et reposante.


24 décembre 2010

Si j'avais a dessiné une île vierge, le paysage ressemblerait certainement à celui qui se dresse sous mes yeux. C'est la pensée qui m'a frappé une fois sur le pont après le réveil.

Les sommets qui encadrent la baie sont dissimulés par le plafond nuageux. Quelques nappes de nuages bas s'engouffrent dans les vallées et avalent temporairement les flancs de montagnes. L'horizon est noyé dans la brume. Ciel et mer ne font qu'un.


Il est 8h quand nous prenons de nouveau la direction du havre où est blottie la cabane de La Mouche. Commence alors une nouvelle journée de prospection et de description. Nous nous concentrons d'abord sur la partie ouest de la vallée des Contacts (structure géologique) puis longeons la côte pour regagner l'embouchure de la vallée de La Mouche.

Malheureusement la météo se gâte et nous passons l'après midi sous la pluie. Qu'importe, nous mesurons la chance que nous avons de fouler une partie du globe que seule une poignée d'Hommes ont eu la chance ne serait-ce que d'apercevoir.


Ce soir c'est le réveillon de Noël. Pour l'occasion, passagers et équipages se rejoignent en passerelle pour prendre l'apéro. Nous partageons également le dîner dans une ambiance bon enfant. Pas de guirlandes, pas de sapin, pas de paquets multicolores et rubanés. Nous célébrons l'événement en toute simplicité sur fond grandiose de Rallier du Baty. C'est un cadeau qui n'a pas de prix.


25 décembre 2010

Il y a un an jour pour jour, j'apercevais pour la première fois les côtes de Kerguelen après 10 jours de navigation. Un an et je prend une fois de plus conscience que le temps est passé a une vitesse infernale.


A 6h30 je suis réveillé par le bruit des moteurs qui démarrent. Aujourd'hui, il est prévu de passer la journée dans la vallée de Larmor. Sitôt debout je sors sur le pont pour prendre la température. Je découvre alors un paysage radicalement différent de ce qu'il était la veille. Le Père Noël est passé à Kerguelen, laissant dans son sillage une fine pellicule de neige.

Si le paysage semble pacifique sous son manteau blanc, ce n'est pas le cas de la mer qui a forci dans la nuit. Rapidement, il devient in-envisageable de débarquer à terre par Zodiac. Nous retournons à l'abri au mouillage.

Après deux heures d'attente, le vent a molli et la houle s'est calmée. Nous tentons donc une seconde sortie dans la vallée de La Mouche dont nous n'avions aperçu que l'embouchure la veille. La dépose en Zodiac se fait aisément et nous remontons la vallée.


Elle est d'une incroyable beauté. Rabotés par des glaciers aujourd'hui disparus, les reliefs s'inclinent et laissent place à une immense plaine alluviale couleur sienne. Un désert on ne peut plus plat serti par des montagnes rongées par les glaces. Le tout est plongé dans un délicat jeu de lumière que les nuages, le vent et le soleil mettent en scène. Le contraste est saisissant, insolite et harmonieux.


26 décembre 2010

Aujourd'hui plus qu'à n'importe quel autre moment, je me sens projeté dans le passé de l'archipel.

C'est notre dernière journée sur la Péninsule Rallier du Baty. Une dépose est prévue pour explorer la vallée des Sables, ou du moins une partie. La Curieuse jette l'ancre dans l'Anse du Gros Ventre. C'est dans cette même anse que fut mis à l'eau le canot La Mouche embarqué à bord du Gros Ventre, second bateau qui participa à la première expédition dans les îles Kerguelen.


En ce qui nous concerne, nous embarquons à bord du Zodiac et nous dirigeons vers la plage. Qui sait, nous réalisons peut être le même trajet que celui réalisé par La Mouche le 13 février 1772. La plage où nous descendons s'appelle Plage de la Possession. C'est ici même que l'archipel est devenu territoire français. Ici même qu'un Homme a, pour la première fois depuis sa naissance il y a plusieurs millions d'années, posé un pied sur cette Terre du bout du monde. 238 ans plus tard, c'est mon tour.


Nous passons une bonne partie de la journée sous la pluie mais le décor ne perd rien à son charme. Au contraire, il prend la teinte d'une vieille photo qui immortalise un événement et un paysage sortis d'un autre temps.


Faute de retrouver la bouteille qui marqua la prise de possession de Kerguelen, je découvre quand même au cours de nos pérégrinations quelque chose d'étrange. Éberlué, j'observe dans une petite marre des pierres qui flottent ! Je crois devenir fou...Peut-être un effet secondaire du MerCalm?...mais non je ne rêve pas ! Elles flottent pour de vrai ! Nous apprendrons plus tard qu'il s'agissait de pierres ponces, roche volcanique dont la densité est particulièrement faible. Me voilà rassuré ! Elles ne sont pas rares dans le coin et la coulée du Vulcain (coulée volcanique ancienne) en est recouverte.


Nous marchons jusqu'au Portillon puis devons nous résigner à faire demi tour. Nous laissons derrière nous cette gigantesque vallée des Sables et reprenons la route vers la plage.

Comme un au revoir, un splendide arc-en-ciel nous accompagne. Nous sommes plongés dans le monde fabuleux d'un conte relatant les aventures passés des grands explorateurs. Et avec du recul, c'est exactement le ressenti général de mes quelques jours passés sur la Péninsule Rallier du Baty. Une immersion dans l'Histoire de l'archipel Kerguelen.

11 nov. 2010

Armor

Mardi 9 novembre, il est précisément 15h35 et je commence à rédiger mon mail « retour de manip » en plein milieu du Golfe du Morbihan. Comment est-ce possible ? Je suis à bord du chaland !

Nous avons été récupéré à Armor vers 14h. Alexis et Pierrick (les ornithos), Léo (le Popchat) et Lise viennent d'être déposés à Mayès où ils vont bosser jusque samedi. Désormais, nous faisons cap sur la base. Arrivée prévue dans une petite heure. Ça me laisse le temps de flâner et de vous parler un peu du chaland.


Il faut savoir que les trajets en chaland sont des moments importants pré et post manips. Dans le premier cas, il permet de s'immerger dans la manip qui nous attend. Lors du retour, c'est surtout l'occasion de se reconnecter en douceur à la vie sur base, de se remettre d'actualité avec ce qui a pu se passer dans la capitale (...heureusement pour nous, en général pas grand chose!). C'est aussi un lieu convivial où l'on retrouve les autres équipes parties en manip et que l'on ne fait bien souvent que croiser. La preuve aujourd'hui avec les ornithos que je n'avais pas vu depuis deux semaines et que j'ai pu retrouver le temps de rallier Armor et Mayès.

Aussi exigu soit l'espace à bord, chacun fait ce qui lui chante. Certains font la sieste, d'autres discutent ou encore observent les oiseaux depuis le pont. En ce qui me concerne, j'élis souvent domicile dans un petit coin de la passerelle avec un bouquin. Il me suffit alors de lever les yeux pour pouvoir observer le paysage insulaire et chaotique qui règne dans le Golfe.

Aujourd'hui fait exception! Primo, « ma » place habituelle est déjà occupée...rrrr. Secundo, j'ai fini le livre que j'avais pris en manip (Les Cercles de l'Enfer de Maud Tabachnick...merci encore Maritch pour tous ces supers livres que tu m'as filé avant mon départ...je les dévore). Tout ça pour dire que je suis installé en cabine, le PC sur les genoux. Contrairement à la passerelle, l'endroit est sombre, froid et sans vue. Et qui plus est, pour peu que la mer soit agitée, il est propice au mal de mer. Ce qui, je vous rassure, n'est pas le cas aujourd'hui ! Seul point positif, c'est en cabine que se trouve le casse-croûte...


...ah, il semblerait que le chaland ait pris un peu d'avance. Arrivée imminente. Il faut que je vous laisse car il faut transférer tout le matériel, les touques et les sacs à l'avant du chaland pour gagner du temps lors du débarquement.



Mercredi 10 novembre, 9h.

Ce matin, réveil à l'aube (5h30). Et pour cause, le vent s'est brutalement levé en début de matinée. Le bruit des rafales m'empêche de dormir.

...le bruit du vent...un point que je n'ai pas encore évoqué.

Que peut-il bien avoir d'exceptionnel le vent à Kerguelen ? Tout d'abord, il souffle quotidiennement, mais ça ce n'est plus une surprise. Non, en fait ce qui surprend c'est que le vent est silencieux. En effet, le souffle de la tempête est constant et régulier. Et les obstacles sont rares (sauf sur base bien sûr). Finalement, seules les saccades des rafales sont réellement audibles. Combiné au fait qu'il n'y ait aucun repère visuel (arbres, tuiles, papiers,...) pour marquer le déchainement des masses d'air, il est parfois très difficile d'estimer la force du vent. Le seul moyen s'est de l'affronter.

Dans cette optique, je prend la direction du réfectoire à 8h pour aller déjeuner. Et sur le chemin, je me fais surprendre par une bourrasque qui manque de me faire tomber. L'espace d'un instant je sens que je ne suis plus maître de mon déplacement et je m'imagine déjà emporté par le vent tel un vulgaire mouchoir (c'est fou comme l'esprit peut être fertile parfois). Tant bien que mal je parviens sain et sauf à Totoche. André, nouveau chef météo, est là...super j'aurai pas besoin d'appeler les services Météo France ! Il m'annonce un vent moyen de 55 Nœuds (soit environ 110km/h) et des rafales enregistrées à 75 Nœuds (un peu moins de 150km/h)...je comprend mieux ma mésaventure matinale ! Qui plus est, il semblerait qu'on soit passer dans un flux de Nord, Nord-Ouest (si il le dit) et que ça va pas se calmer avant le week end. La journée de samedi s'annoncerait même pire encore ! Bilan de la discussion : je troque les tongs pour des chaussures plus stables, et j'abandonne le sarouel « parachute » !


En parlant « météo », on a indéniablement basculé vers l'été austral. Les températures ne descendent plus en dessous de 2°C et on réussit même à atteindre les 7/8 °C, c'est dire ! Si les masses d'air sont encore fraîches, ce n'est pas le cas du soleil qui commence à cogner sévère. La latitude de Kerguelen est comparable à celle de Paris dans l'hémisphère Nord. Et le mois de novembre ici correspond au mois de mai en métropole. La crème solaire et la Biafine ont donc fait leur retour dans notre fond de sac !


Un redoux qui, en tout cas, se prête parfaitement aux manips comme celle que je viens de faire à Armor accompagné de Fabrice (technicien de la Réserve Naturelle) et Lise.


Après PAF (Port aux Français), PJDA (Port Jeanne d'Arc) et POC (Port Couvreux)...(et oui on a une légère tendance à l'usage de diminutifs sur Kerguelen ; sans doute un moyen verbal et inconscient de marquer la différence entre les hivernants et les « nouveaux » qui se voient obligés de demander « C'est quoi PJDA? »)...Armor constitue le 4e site marqué par la présence humaine sur l'archipel. La similitude s'arrête là.

Tout d'abord, seule la base de Port aux Français présente une activité permanente. Armor, PJDA et POC ont été désertées. Chacun de ces sites témoigne à sa manière de cette chimère qui a motivé l'administration française le siècle dernier. A savoir, tirer profit de l'exploitation des ressources de l'archipel. Compte tenu de leur état d'abandon, il est clair que Kerguelen n'a rien de plus à offrir à l'Homme que ses somptueux paysages.

Ensuite, si PJDA et POC font désormais partis du patrimoine historique français, ce n'est pas le cas de Armor dont la création est bien plus récente. En effet, au début des année 80, les TAAFs décident de développer un projet d'aquaculture sur le territoire. En 1983, la ferme d'élevage d'Armor est construite. Des alevins de truite et de saumon y sont introduits et étudiés. Sur le site, vivent de façon permanente pendant une année quelques hivernants. La base est autonome et seuls les vivres sont amenés par chaland depuis Port-aux-Français. A ce titre, les habitants d'Armor sont appelés les Armoriens et constituent un petit groupe de « provinciaux » comparé aux « citadins » de la capitale. Mais comme en métropole, la province a de nombreux atouts : la quiétude, le charme, le cadre,...Et Armor n'y échappe pas. On s'y plaît à tel point qu'on a envie d'y élire domicile.

De manière générale, les premiers résultats de l'élevage ne sont pas mauvais mais le nombre de retour dans le lac d'Armor diminue d'année en année. En 1992, l'idée d'établir à Armor un élevage productif et rentable est abandonnée.

Voilà donc une vingtaine d'année que la base annexe est délaissée, fréquentée occasionnellement par des manipeurs qui l'utilisent pour le boulot ou comme base de départ de randonnées. En ce qui nous concerne, ça sera les deux.


Bien entendu, hors de question de venir à Armor sans cane à pêche. La probabilité d'y pêcher de la truite voir du saumon y étant normalement plus élevée que dans le reste de l'archipel. Mais après une semaine d'essai, nous en sommes venu à la conclusion qu'Armor était une légende (et d'après les récits dans le cahier de cabane, nous ne sommes pas les seuls de cet avis). Après de nombreuses tentatives, Fabrice aura quand même réussi à extraire deux truites de leurs trous. Lise et moi, définitivement très mauvais pour la pêche, avons rapidement abandonné nos espoirs de filets de truite fumés ! Peu importe, Armor regorge de moules (beaucoup plus faciles à attraper) et de bien d'autres trésors biologiques...autochtones ceux-là !


En effet, il nous a été confié par le Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, de réaliser un herbier des fougères présentes à Kerguelen. Parmi les 8 observées sur le territoire, deux espèces restaient introuvables : Elaphoglossum randii et Hymenophyllum peltatum. Seul un point GPS existant localisait Elaphoglossum randii à Armor. Il ne nous en a pas fallu plus pour monter un manip sur le site que nous ne connaissions pas encore et qu'il nous tardait de découvrir.

A peine arrivés, et impatients de voir la-dite fougère, nous avons suivi les indications du GPS. Il ne nous faudra pas plus de 15min pour trouver la station concernée. Blottie dans une faille, notre chère inconnue n'est pas seule...elle est accompagnée de la deuxième espèce jusqu'à présent introuvable et de 3 autres des espèces enregistrées à Kerguelen. Nos prospections durant le reste du séjour auront été infructueuses. Il semblerait bien que ces deux espèces ne soient pour le moment observées que dans cette petite faille ! Autant dire un petit trésor qui soulève bien des questions !


Je vous le disais, Armor est aussi un très bon point de départ pour nombre de randonnées dans un secteur peu visité depuis l'abandon de la ferme d'élevage. Profitant d'un fenêtre météo favorable, nous avons pu quitter la base pour nous rendre à Puy St Théodule et passer la nuit dans sa grotte qui fait office de cabane. Rallier Armor et Puy St Théodule ne présente guère de difficultés et il nous aura fallu 4h de marche pour arriver à destination.

Nous découvrons alors notre logement pour la nuit à venir. Un mur de pierre a été dressé à l'entrée de la caverne pour l'isoler du vent. Constituée de trois cavités, la grotte dispose ainsi d'un espace cuisine (dans l'entrée), d'une chambre et d'un séjour. Il n'est possible de se tenir debout que dans cette dernière pièce à laquelle on accède en rampant par la chambre. Difficile dans ces circonstances de ne pas se gogner! Heureusement pour nous, le vent est presque nul, les températures sont acceptables et il n'a pas plu ces derniers jours...des conditions de rêves pour une nuit en grotte !

Depuis l'entrée, nous avons une vue, qui pour ne pas changer, fait rêver. Devant nous se dresse les imposants remparts du massif Gallieni qui compte les plus hauts sommets de l'archipel. La Pyramide Branca et le Grandidier semblent sortir de terre. L'impression est encore plus frappante que nous en sommes séparés par une grande plaine alluviale où s'écoule La Clarée. Le panorama est saisissant.

Comme il est encore tôt quand nous arrivons et que nous sommes encore en forme, Fabrice et moi décidons de faire l'ascension de Puy St Théodule...366m. Je vous l'accorde, ce n'est pas bien haut, mais c'est suffisant pour culminer les reliefs alentours (mise à part ceux du massif Gallieni) et pour bénéficier d'un magnifique 360°. Le Mont Ross nous laisse même apercevoir son sommet (1850m) par une petite trouée dans les nuages qui l'engloutissent une majeure partie du temps.


Nous profitons qu'il fasse encore jour pour installer nos couchages. Les places sont déterminés en fonctions des besoins urinaires de chacun afin de ne pas déranger les dormeurs pendant la nuit. Je me retrouve donc blotti dans le coin, certes le moins accessible mais aussi le plus attrayant.

L'étape du coucher est une épreuve en soi qui nécessite toute une organisation. Chacun notre tour nous accédons à notre place. Ne reste plus qu'à se glisser dans le sac à viande, puis dans le sac de couchage et enfin dans le sur-sac étanche. Je mesure alors la chance de ne jamais avoir à me lever dans la nuit !


La nuit aura était bonne et c'est en forme que nous reprenons la route vers Armor sous un soleil radieux. En chemin, nous décidons de faire un petit crochet par le Volcan du Diable (315m) qui est en quelque sorte le petit frère de Puy St Théodule. L'ancien volcan porte bien son nom tant ses reliefs sont acérés et sombres. Néanmoins, si il inspire la crainte d'un point de vue visuel, son ascension par la crête se fait tranquillement. Depuis le sommet, nous pouvons apercevoir le lac d'Armor et la base qui porte son nom ainsi que les îles du Golfe du Morbihan. J'ai l'impression de me répéter mais le panorama est encore une fois superbe.


De retour sur la base, nous reprenons vite nos petites habitudes de cabane. Nous avons fini notre travail et comme la météo se dégrade les jours suivants, nous nous laissons porter par la quiétude et la tranquillité des lieux.

Mais il est déjà temps de quitter Armor et de regagner la base de Port-aux-Français. Le chaland, tel les transports en commun se charge du transfert. Et voilà comment j'en reviens au tout début de mon mail, commencé à bord du chaland.


Le retour sur base annonce l'approche d'une nouvelle page de notre hivernage. En effet, dans une semaine le Marion Dufresne sera de retour à Kerguelen. Espérons que la météo s'améliore pour faciliter l'OP.

Cette fois-ci ce ne sont pas des militaires qui seront débarqués. Ce sont nos remplaçants ! Lise et moi bénéficions d'un petit sursis d'un mois, nos remplaçantes n'arrivant qu'en décembre. Quoiqu'ils en soit, la perspective de voir notre relève arriver nous précipite sans qu'on s'en soit rendu compte vers la fin de notre séjour ici. Et même si je suis de plus en plus impatient de rentrer, je ressens aussi la peur de quitter ce lieu. Je suis ému à l'idée de ne peut être plus jamais fouler cette terre du bout du monde, de lui dire adieu.

11 sept. 2010

Port Couvreux

Voici déjà 3 jours que nous sommes à Port Couvreux et je me décide à commencer à écrire quelques mots sur cette terre de bergers du bout du monde.

Je m’étonne trop souvent à oublier certaines impressions ressenties sur le terrain dès lors que je pose les pieds sur la base. Même le retour à la cabane rompt bien souvent le charme qu’évoque la nature brutale et harmonieuse de l’archipel.

Car Kerguelen a ceci de frustrant que les paysages qui s’offrent si généreusement à nous, quand on prend la peine et le temps de les observer, s’estompent et s’effacent aussitôt qu’on détourne le regard.

Kerguelen, Terre imperceptible, ne souffre guère du temps. Tout semble suspendu et immuable, telle une toile de fond qui attend que son créateur achève son œuvre.

Difficile de dater un commencement tant le décor paraît sortir d’un autre age. C’est la terre dans sa genèse que j’ai parfois l’impression d’observer. Il m’est pourtant impossible d’entrevoir une suite et de projeter ce monde naissant dans le futur. Finalement, il semble bien que le passé et l’avenir n’ont aucun sens sur ces îles de la Désolation. Kerguelen n’accepte de se vivre que dans le Présent.

Des traces du passé existent. Mais le vent se charge d’effacer ces mémoires. Toute tentative de conservation et de restauration du patrimoine est vaine. Car tôt ou tard, les rafales balaient le passé et les ambitions de l’Homme.


L’île de la Désolation tiendrait-elle son nom de cette impuissance de l’être humain face aux éléments ?

Le vent, la roche et l’eau s’allient dans l’éternité pour anéantir toutes ses traces. Ici, nous ne sommes qu’un fragment étranger, inscrit dans l’éphémère, et qui telle une écharde, ne tend qu’à être rejeté par ce corps qui le tolère.

On abandonne tellement de choses pour venir sur ces terres australes. On y vient dans un esprit de découverte et pour certains, de pionniers. On espère laisser une marque de son passage.

Rapidement, on s’aperçoit que tout n’est qu’illusion et qu’il n’existe aucun débouché pour un humain qui séjourne sur la Désolation. On apprend à vivre dans la simplicité et l’humilité.

Alors que nous sommes incapables de laisser notre empreinte, c’est au contraire Kerguelen qui nous prend en chasse et nous poursuit. Laissant en chacun cette cicatrice béante d’avoir vu, observé, écouté et touché sans avoir compris et possédé. L’île s’offre généreusement à nous mais ne nous laisse pourtant pas approcher. Et ce décor qui laisse si facilement vagabonder l’esprit conduit finalement à l’amer sensation que notre visite à Kerguelen aura toujours un goût d’inachevé.

Désolation à l’idée de ne pas pouvoir projeter cette expérience en dehors des remparts basaltiques de l’archipel. Que la seule réalité est celle d’avoir vécu un rêve. Un rêve flou et écourté par le réveil dont il ne reste plus qu’une vague impression lointaine et pourtant si profonde.


Port Couvreux est l’un des sites autorisés les plus éloigné de la base. A vol d’oiseau, rallier St Malo (point de dépose du chaland) et POC ne demanderait guère plus de 5h. La nature en a voulu autrement et le Havre du Beau Temps impose un détour de près de 6h de marche. Le détroit de la Gazelle ne mesure pas plus de 300m mais les eaux sont infranchissables. C’est le prix à payer pour accéder à ce havre de paix !

Après deux jours de marche, une nuit à Gazelle et de multiples rencontres avec des Rennes peu farouches, nous arrivons enfin à Port Couvreux.


Avant même d’apercevoir les bâtiments de l’ancienne bergerie, nous sommes accueillis par une grande croix plantée au sommet de la colline. Il ne fait aucun doute que des hommes ont jadis vécu ici, se raccrochant à la société qu’ils ont quitté par des symboles et des croyances.

Au loin sur la plage, nous pouvons apercevoir quelques vestiges rouillés d’une ancienne activité et les ossements d’une baleinière.

Dans son livre l’Arche des Kerguelen, Jean-Paul Kauffmann décrit l’habitation comme suit : « Une atmosphère de malheur et de fourberie flotte dans cette trop sage maisonnette entourée d’un jardinet ». Du jardinet nous n’apercevons aujourd’hui que les clôtures. Quant à la maisonnette, elle a totalement disparu, non pas sous la force du vent, mais sous un manteau hideux de tôle. Les TAAFs ont en effet entrepris de sauver les vestiges des intempéries. De les enfermer dans un sarcophage noir et humide. Empêchant du même coup aux gens qui vivent sur l’archipel de profiter de ce patrimoine qui est sans doute plus le leur que celui de l’administration. En agissant ainsi, les TAAFs se rendent coupables de la mort de Port Couvreux. Non seulement la solution envisagée ne protège en rien l’installation mais en plus elle la plonge dans les ténèbres et l’oubli. Et tôt ou tard, le vent aura le dernier mot.


A proximité de la cabane, nombre de plantes fourragères ont été introduites afin d’assurer l’alimentation des moutons. Ces derniers ont aujourd’hui tous disparu (contrairement à ceux présents sur Ile Longue qui se sont bien adaptés au climat) mais les hautes graminées continuent de témoigner de cet ancien élevage. Oscillant sous l’impulsion du vent, elles donnent au lieu un air champêtre.


Le site est particulièrement bien abrité du vent et il y règne une atmosphère des plus paisible.

A côté de la cabane, s’écoule un petit ruisseau qui nous fournit en eau douce.

En contrebas, sur la plage, se prélassent quelques femelles Eléphant de mer. Deux ou trois d’entre elles récupèrent de l’accouchement. En effet, c’est la période des naissances. Fatiguées, elles veillent sur leur unique bébé, petite boule à poils noirs qui n’est pas sans me rappeler l’apparence d’un chiot labrador. Quand ils ont faim, ils émettent des jappements semblables à des aboiements. Le lait des éléphants de mer est l’un des plus riche du règne animal. Et au bout de 3 semaines seulement, les petits bonbons noirs sont sevrés. Pas de répits pour les femelles qui sont dès lors prises d’assaut par le Pacha du harem…pour lui, seule la fécondation compte ! La gestation durera un an puis le cycle recommence.


Tous les jours, c’est le même schéma qui se répète. Réveil à 7h afin d’assurer le début de la manip Popchat vers 8h. Tandis que Léo réalise son Line-transect accompagné d’un manipeur à la recherche des chats, les deux autres se chargent de vérifier et relever les pièges placés à proximité de la cabane. J’ai oublié de préciser que nous sommes partis à 4 à Port Couvreux : Léo (Popchat), Alexis et Pierrick (les deux ornithos) et moi.

Le transect de 2,5km se situe dans la vallée en aval de laquelle est blottie la cabane.

Ce val a des dimensions plus modestes que ceux qu’on a l’habitude de voir à Kerguelen. Ceci n’enlève rien à son charme, bien au contraire.

Les barres rocheuses qui l’encadrent ne sont pas horizontales. Les plateaux sont inclinés et sombrent lentement dans la baie, donnant à la vallée des airs de bateau en naufrage.


Le fond de vallée et les versants sont quant à eux le royaume des mousses. Ces plantes sont finalement, au même titre que les lichens, les seuls vrais pionniers de l’archipel. Elles forment de gigantesques tapis et donnent au paysage des allures d’aquarelle. Du vert pastel au vert le plus vif, presque fluo, en passant par des teintes brunes ou argentées, la nuance de verts est infinie.


L’après-midi, nous avons tout le loisir de nous balader quand la météo le permet. Je me décide ainsi, en fin de journée, à remonter jusqu’à la source du ruisseau qui s’écoule à côté de la cabane. Plus j’avance et plus le débit diminue. Ce qui n’est plus qu’un filet d’eau continue pourtant de m’emmener dans un décor féerique. J’erre sur le plateau comme si j’étais à la recherche d’une vérité. Plus rien ne me semble réel. Mais je suis vite rattrapé par l’heure qui tourne et je dois me résoudre à faire demi-tour pour rejoindre mes compagnons.

Je m’écarte du ruisseau sans en avoir trouvé la source puis me dirige vers la vallée. Depuis le haut des plateaux je bénéficie d’une vue spectaculaire. Au loin, il est possible d’apercevoir les massifs de Courbet Ouest et je reconnais Port Elisabeth, site que j’avais visité en mars. Moins loin, de l’autre côté du Bras de la Fonderie qui nous sépare de la Grand Terre, je crois entrevoir de la fumée. Ce ne sont pas des fumerolles ou un incendie. Ce sont les cascades qui sont pulvérisées par les rafales. A Kerguelen, l’attraction terrestre se soumet à la force du vent, seul souverain des lieux. Il se joue de l’eau et le filet aqueux ainsi en apesanteur se meut dans une oscillation comparable à celle d’un métronome qui bat la mesure.


Approchant de la cabane, je tombe sur une aire délimitée par des cailloux et dans laquelle gisent de petites croix en bois. C’est un cimetière.

Certaines stèles sont encore debout. D’autres sont au sol, couchées par le vent.

« Les tombes sont l’une des rares traces d’humanité de la Désolation, pays sans arbres que la mort a reboisé de ces stèles plantées en plein vent » (J-P Kauffmann).

Comme toutes les autres traces d’humanité, elles sont vouées à disparaître. Et la mort n’a pas son mot à dire.

Le bois, blanchi par les attaques répétées du vent et de la pluie, ne porte plus aucune inscription. A Kerguelen, les morts sont condamnés à l’anonymat.

Qui sont-ils alors ?

Sans doute des naufragés et de ces bergers, parfois venus avec femmes et enfants, et qui se sont succédés entre 1912, date de création de Port Couvreux, et son abandon en 1930.


Port Couvreux se présente dans toute sa mesure. Lieu isolé sur une terre désolée. Site envoûtant et enchanté, intimement lié à la mort et à l’échec de l’Homme face à cette Terre indomptable.

10 août 2010

PJDA...voyage dans le passé de Kerguelen

Depuis la découverte de Kerguelen en 1772, la France cherche à tirer profit de ce territoire austral, connu comme étant l’île la plus isolée du globe. Les ressources minières n’y sont d’aucun intérêt, pas plus que le potentiel agricole.

C’est au début du XXe siècle que la France cède aux frères Bossière une autorisation d’exploitation de l’archipel. Ces deux français ne sont pas sans savoir que les eaux de Kerguelen regorgent de baleines. Et ils ne sont pas sans savoir non plus que l’huile qui en est extraite est très prisée pour l’éclairage urbain, notamment dans les grandes villes américaines. Il ne leur en faut pas plus pour tenter l’expérience.

1908. Le bateau à vapeur Jeanne d’Arc pénètre dans le Golf du Morbihan. A son bord, une centaine de norvégiens. Forts de l’expérience de la chasse à la baleine et de l’extraction de son huile, c’était tout naturellement que les frères Bossière s’étaient tournés eux.

Très rapidement, c’est un véritable village scandinave qui sort de terre. Les baraquements, la porcherie, la forge, les fourneaux et cuves diverses sont installés. L’exploitation de la baleine à Kerguelen peut commencer. Port Jeanne d’Arc est né.


la forge

Pendant une vingtaine d'années, l’usine va tourner à plein régime. Mais Kerguelen est loin, trop loin. Et l’absence de charbon, nécessaire pour le fonctionnement des fourneaux, impose de réguliers approvisionnements qui vont vite s’avérer trop coûteux pour la pérennité de l’exploitation. Ceci combiné à l'arrivée de l'électricité dans les grandes villes vont finir par avoir raison de Port Jeanne d'Arc. l'activité cesse en 1926.

Un nouveau chapitre commence alors. La Nature reprend ses droits et le vent se charge du démantèlement du site. Rapidement, les bardages s’envolent, les toitures s’arrachent et les murs s’effondrent. Les pontons et plans inclinés se dispersent en autant de morceaux de bois flotté dans l’ensemble du Golf. Le métal est rongé par le sel. Les cuves se renversent pour ne former plus qu’un amoncellement de ferraille. Petit à petit, Port Jeanne d’Arc disparaît.

Mais l’ancienne usine baleinière ne tombe pas dans l’oubli pour autant. Et ce n’est que récemment que les TAAFs ont décidé de classer le site « Patrimoine ». Port Jeanne d’Arc a ainsi pu bénéficier d’une cure de jeunesse pour trois de ses bâtiments et d’un pseudo nettoyage du périmètre.

Si le site reçoit la visite d’une petite poignée de touristes plusieurs fois par an, c’est aussi un site d’étude pour le Popchat. Et c’est dans ces circonstances que le L5 a déménagé à PJDA. En effet, il n’est plus question de cabane. Ici, la cuisine, le dortoir, la salle à manger et la salle de bain sont autant de pièces séparées. Pour tout dire, c’est un des anciens baraquements, aujourd’hui restauré, qui sert de logement. Ce n’est donc pas la place qui manque. Raison pour laquelle nous avons choisi PJDA pour passer du temps entre VATs loin de la base. Un peu comme des vacances studieuses entre amis...

de gauche à droite: Alexis, Clément, Lise, François, Léo, Pierrick et Matthieu

Dans l’ensemble, la météo n’aura pas été des plus clémentes…c’est encore l’hiver austral ! Nous avons quand même bénéficié d’une fenêtre pour partir randonner. Direction le Mont des Lichens depuis lequel s’ouvrait une vue superbe sur le massif Gallieni et les îles Gaby et Altazin.

I.Gaby et I.Altazin

Mont des Lichens

vue sur la Grande Terre depuis le Plateau du Vent

PJDA aura aussi été l’occasion de s’adonner aux sports d’hivers et à la luge !

Mais PJDA s’est avant tout un voyage dans le passé. Sensation inédite pour moi depuis mon arrivée à Kerguelen.

En effet, hormis la base de Port aux Français et les quelques cabanes, il n’y a que très peu de traces d’une présence humaine « directe » sur le territoire. Pas de routes et de poteaux électriques ; pas d’avions ou de panaches de fumée issus de nos usines ; des rivières primaires qui s’écoulent librement ;… Dans l’absolu, les paysages de Kerguelen se présentent à nous tels qu’ils se sont toujours présentés aux yeux d’un être humain, que l’on soit en 1772 ou en 2010. Et aussi étrange que cela puisse paraître, c’est dans un esprit de pionnier que l’on évolue à Kerguelen, sans ressentir le besoin de se rattacher à une époque précise.

Comme s’il ne suffisait pas d’être éloigné géographiquement, il faut en plus que je vous annonce qu’ici on est éloigné temporellement ! Et bien oui, tout compte fait, Kerguelen s’est un peu un voyage spatio-temporel !

Mais voilà qu’à Port Jeanne d’Arc, je me suis soudain senti rattrapé par le passé de l’archipel. J’ai été comme frappé par l’histoire qui émane du site. C’est comme si PJDA était encore habité. Au milieu de ces ruines, on ressent presque l’effervescence passée qu’il devait y avoir lorsque les bateaux revenaient avec leur funeste butin. Et je ne vous parle pas des soirs de vents ! La vue faisant défaut, l’imagination parle et se laisse guider par les bruits inquiétants venant de dehors ! PJDA, village fantôme.

ancienne chaloupe

Dans de telles circonstances, il est impossible de ne pas penser à ces hommes qui, parfois au prix de leur vie, ont fait l’histoire de Kerguelen. Bien entendu, je ne cautionne pas le massacre qui a eu lieu à PJDA. Mais dans le fond, qui suis-je pour juger ? Nous étions alors en 1908 et les ambitions de ces hommes étaient bien différentes de celles qui nous motivent aujourd’hui. Il en est de même pour leurs conditions de vie et je leur suis admiratif à bien des égards.

Et dire que je vous écris tout ça, le PC portable sur les genoux, confortablement installé sur mon lit de la cabane d’Australia. Le groupe électrogène tourne, la lumière est allumée, le radian chauffe à fond les ballons, le pain gonfle tranquillement,…et tout ça avec une bière à la main! Pas de doutes, les choses ont bien changé !

Mais finalement, qu’importe le support matériel dont on dispose. Ce qui compte c’est l’importance qu’on accorde aux choses qui nous entourent. De les vivre avec intensité.

20 juil. 2010

Manip Popchat à Ratmanoff

En mars dernier, je réalisais le tour de la Péninsule Courbet. C’était pour moi l’occasion de faire mes premières rencontres avec les Grands Albatros, otaries, Gorfous macaroni et la colonie de Manchots royaux de Ratmanoff.


cabane du Guetteur

4 mois se sont écoulés, et le temps a fait son travail. La semaine dernière, c’est un décor et une faune tout à fait différents que j’ai pu redécouvrir. Et c’est sans doute là l’un des charmes de Kerguelen. Il est impossible de ressentir une quelconque lassitude puisque les choses sont continuellement en mouvement.

Les poussins de Grand Albatros, encore dans l’œuf en mars, sont désormais de grosses peluches blanches dont le duvet épais ondule sous l’impulsion du vent. Impassibles, installés sur leurs nids, ils regardent passer les marcheurs que nous sommes du coin de l’œil.

Les otaries et éléphants de mer, encore nombreux sur la côte lors du dernier transit, ont presque tous déserté les plages pour aller se nourrir en mer.

Du cadavre de la baleine à bosse, il ne reste plus que les ossements et quelques lambeaux de graisse.

Et que dire de Ratmanoff ? J’y avais découvert, non sans émotion, la colonie de Manchot royal. A l’époque, certains adultes couvaient leur œuf tandis que d’autres tenaient au chaud, posés sur leurs pattes, leur poussin aux allures de E.T. Les choses ont bien changé ! Et les petits extraterrestres ont grandi. Trop gros pour pouvoir se blottir sous le repli dermique des adultes, ils se sont émancipés. La colonie prend alors tout son sens. Car les poussins sont encore sujets à une grosse pression de prédation. Les Pétrels géants ne sont jamais bien loin et ils veillent d’un œil intéressé le mouvement des petits. Malheur à celui qui, un peu trop intrépide, s’éloigne du groupe. J’ai eu la chance et l’effroi d’assister à une de ces scènes d’une violente beauté. Bien entendu, étant hors de question d’agir, je me suis contenté d’observer le spectacle parfois impitoyable de la Nature. Ceci dit, afin de limiter la casse et pour se tenir chaud, les poussins sont réunis en crèches, elles-mêmes protégées par les adultes. Les boules duveteuses, à la démarche et à la posture des plus comiques, attendent avec impatience le retour de leurs parents pour être nourris. La reconnaissance entre les adultes et leur progéniture se fait par le chant. De jour comme de nuit, il règne donc à Ratmanoff une ambiance sonore continue qui s’harmonise parfaitement avec le spectacle visuel que nous offre la colonie.

Poussins réunis en crèche

Adulte et son poussin

Le paysage a quant à lui revêtu sa tenue hivernale. Les souilles s’affermissent. Les ruisseaux et étangs se pétrifient. Et la neige vient parfois s’étaler, telle une toison blanche, à la surface de ce sol gelé. Les sons sont feutrés et l’espace de quelques heures je me sens projeté dans La Marche de l’Empereur. Alors que j’observe et photographie, j’ai conscience que jamais plus je ne reverrai ce tableau vivant. Que ces images, d’une incroyable intensité, presque irrationnelles, font de cet instant un instant magique et inoubliable. Mais surtout, je réalise que cette vision, qui s’inscrit pourtant dans une fraction infime de ma vie, s’est ancrée en moi et continuera de m’influencer. Kerguelen, voyage à l’autre bout du monde ; voyage intérieur. C’est peut être bien ça le Syndrôme de Kerguelen.

Léopard de mer

Festin des Pétrels géants

Dans ce monde en constante évolution, seul l’océan et le vent continuent d’agir, écartés de toute contrainte temporelle. Les vagues déferlent sur la plage. Les vents dominants, quant à eux, brasent l’air dans le sens opposé. Il en résulte un affrontement permanent où chacun tente de dominer l’autre. Les vagues s’écrasent en formant de magnifiques rouleaux, et le vent rejette les embruns en arrière telle une traîne. Voilà un mariage hors du commun !

vol de canards d'Eaton au crépuscule

Vous allez finir par croire que je suis allé à Ratmanoff pour faire du tourisme ! Ce n’était pas le cas. Avec Lise, nous accompagnions Léo, le Popchat, pour l’aider dans son travail.

Mais que vient faire un Popchat dans cette histoire ?

Il faut savoir que quand l’Homme a débarqué sur l’archipel, il est venu accompagné. D’après les historiques, il semblerait que 3 ou 4 chats domestiques ont eux aussi mis pied à terre. Chats qui sont retourné à la vie sauvage et qui n’ont pas manqué de batifoler entre eux ! Ils sont aujourd’hui entre 6000 et 7000 individus. Cette introduction est bien évidemment un désastre pour l’avifaune autochtone. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, le Chat a quand même su prendre sa place dans l’écosystème et un nouvel équilibre s’est créé. Il permet entre autre de réguler la population de lapins qui sont friands…des Choux de Kerguelen et qui favorisent l’érosion des sols ! Eradiquer le Chat serait certes une très bonne solution pour limiter la prédation sur l’avifaune mais en parallèle, c’est la flore autochtone qui risquerait de prendre un sacré coup dans l’aile. C’est quand même bien fait la nature !

Le travail du Popchat consiste à étudier les populations établies sur 5 sites : Sourcils Noirs, Port Jeanne d’Arc, Port aux Français, Port Couvreux et Ratmanoff. Chaque site dispose d’un transect le long duquel Léo observe la présence de chats. Ca permet d’avoir une estimation de leur effectif. Il lui incombe également de réaliser des sessions de capture afin de pouvoir effectuer de la biométrie après quoi le chat est systématiquement relâché.

Un travail très intéressant mais aussi très physique. Entre la pause des pièges (qui font leur poids), les multiples allers-retours pour la relève de ces mêmes pièges, le transect à parcourir plusieurs fois par semaine,…c’est une manip pour le moins fatigante.

13 juin 2010

Tour Courbet ouest

8 juin 2010, bientôt 6 mois que j’ai quitté la métropole.

Depuis mon arrivée, j’essaie d’arpenter au maximum ce bout de terre égaré. Et pourtant, Kerguelen ne cesse de me rappeler que l’étonnement et la découverte ne sont pas une question d’âge. L’œil est constamment sollicité. Petit à petit, l’île dévoile son intimité qui me semble désormais sans limites. Et c’est toujours avec ce sentiment d’être un privilégié que je continue et continuerai à saisir cette chance. La chance de pouvoir observer, écouter, sentir, s’émerveiller et évoluer dans cette Nature face à laquelle je ne peux être que le spectateur.

C’est en tout cas ce que m’ont encore montré ces 5 jours de randonnée sur Courbet Ouest. A moins de deux jours de marche de la base, le contraste avec tout ce qui nous raccorde à la société n’en est que plus flagrant.

Jeudi 3 juin 2010.

Il est 7h30, le jour se lève à peine. Nous sommes quatre à prendre la route : Pierrick et Alexis (les 2 ornithos), Matthieu (Gener = VAT chargé de la logistique IPEV) et moi.

Le ciel est dégagé. Le vent est faible. Autant dire des conditions climatiques hivernales presque inespérées pour ce premier jour de transit vers Studer.

Alors que mes 3 compagnons le découvrent pour la première fois, j’entame mon troisième pèlerinage vers ce site dont j’ai déjà fait l’éloge.

A moins de 4h de marche de la base, les visiteurs ne sont pourtant pas très nombreux. Ces derniers s’arrêtant en général à la cabane de Jacky (à mi chemin). L’entrée du Val n’est pourtant pas à plus de 10min de marche et offre une vue qui vaut largement ce petit effort supplémentaire.

En ce qui nous concerne, Jacky ne sera ni plus ni moins qu’un prétexte pour une pause café avant de nous engager pour 2h de marche dans le Val Studer.

Baigné dans une lumière rasante, les contrastes s’accentuent et les couleurs se font plus vives. Sur notre droite et notre gauche, s’érigent deux barrières rocheuses où s’écoulent nombre de cascades. Scintillantes sous l’effet du soleil, c’est la roche elle-même qui semble briller. Une nappe de nuage bas flotte au dessus du lac principal à côté duquel est installée la cabane. J’ai l’étrange sensation d’être dans un songe, d’évoluer dans un rêve. Le décor est pourtant tout ce qu’il y a de plus réel.

arrivée à Studer

Arrivés à la cabane, il nous reste 2 heures avant que la nuit tombe (vers 17h). Avec Alexis, nous décidons de nous rendre à la Grande Cascade qui se trouve à 15 min de notre refuge. Enclavée dans la roche, elle est presque invisible depuis le val. Il faut s’enfoncer dans une gorge étroite de près de 200m de haut pour l’apercevoir. Le bruit est fracassant. L’eau chute et s’évapore avant même de toucher de sol. Les embruns nous arrosent. J’ai l’impression d’être au bout du monde…mais est-ce seulement une impression ?

Vendredi 4 juin 2010.

Baie Charrier est à environ 7h de marche de Studer. Les journées étant de plus en plus courtes, il nous faut prendre la route le plus tôt possible pour être sûr de rallier notre destination avant la nuit.

Les prévisions météo de la veille s’annoncent moins engageantes : chutes de neige et un vent d’Ouest pouvant atteindre plus de 70 nœuds en fin de journée. Or de question de s’attarder pendant le transit.

Nous quittons donc la cabane de Studer et commençons à remonter la vallée de rivière du Sud. Fort heureusement, nous sommes abrités du vent par les reliefs alentours et la première heure de marche se fait même sous un ciel bien dégagé.

Mais tout d’un coup, l’atmosphère s’assombrit. Les massifs qui nous font face commencent à s’estomper puis à disparaître. Il est temps de fermer les vestes, d’enfiler les masques et de mettre les capuches. Car c’est un véritable rideau de neige qui commence à s’abattre sur nous. Ces averses sont de courte durée et nous finissons par atteindre le Lac Margot sous une belle éclaircie. Le Mont Moseley s’érige devant nous à près de 730m d’altitude. La vallée dans laquelle s’écoulé la rivière du Nord est recouverte d’une pellicule blanche qui contraste avec la couleur sombre de la roche volcanique et des nuages. C’est un paysage en Noir&Blanc que nous observons.

La traversée de la vallée pour rejoindre le col qui conduit à la Rivière des Chasseurs (et un peu plus loin à Baie Charrier) s’avère difficile. La neige est de nouveau parmi nous. Le vent s’engouffre dans le val et balaie tout. Par moment, il nous est impossible de voir à plus de 3m. Nous sommes dans le blizzard…

Les épisodes ne durent guère plus de 15min et les accalmies ensoleillées sont nombreuses. Nous franchissons le col. A l’horizon, l’Océan se profile. Nous approchons du but !

Afin de nous affranchir d’une marche dans les souilles de la rivière des Chasseurs, nous décidons de descendre jusqu’à Baie Charrier par le Plateau de Sauveterre. Encore deux ou trois épisode de blizzard et le ciel se dégage définitivement. Depuis les hauteurs du plateau, nous avons une vue grandiose sur la rivière des Chasseurs, son embouchure, la baie, le Mt Moseley et le Plateau Méjean.

Baie Charrier

Vers 15h, nous arrivons à la cabane de Baie Charrier. Très peu fréquentée, elle garde les séquelles du temps et des intempéries. Nous sommes bien loin du confort de la cabane de Studer. Pas de radian et trois matelas pour 4…mais une chaleur humaine réconfortante et la sensation si agréable de vivre des moments inoubliables.

Samedi 5 juin 2010.

Après une nuit passée entre les ornithos, nous quittons Baie Charrier sous un soleil radieux pour rejoindre la Baie des Cascades et la cabane de Rivière du Nord.

Baie Charrier depuis le plateau Méjean

La journée commence par une petite promenade matinale sur la plage où Papous et Eléphants de mer ont élu domicile. Un peu plus loin dans la vallée, nous apercevons deux Rennes. Mais une belle montée jusqu’au Plateau Méjean nous attend. Un dernier coup d’œil en contre plongée à ce coin de paradis qu’est Baie Charrier puis nous faisons cap vers la Table de Diomède. Et au passage d’une crête, une superbe surprise s’offre à nous. Devant nous, s’étale le nord de la Péninsule Courbet. Il m’est ainsi possible de retracer une partie de la marche que j’avais faite il y a déjà un peu plus de deux mois avec Maurice et Laurence. Cataractes, Cap Cotter, Mont Campbell, Colline de l’Azorelle, lac Marville…autant de lieux qui m’évoquent bien plus que de simples noms !

péninsule Courbet depuis le Plateau Méjean

Au fur et à mesure que nous avançons, la Baie des Cascades et le Cirque Moseley se dévoilent. A l’abri du vent, l’eau de la profonde baie est tel un miroir.

Cirque Moseley

Baie des Cascades

Nous sommes accueillis par les Eléphants de mer, les Papous et les Manchots royaux…comme si le paysage ne suffisait pas ?

Situés à l’embouchure de Rivière du Nord, la cabane est constituée de deux petits modules rouges bien plus récents qu’à Baie Charrier. Néanmoins, un des deux modules ayant perdu son plancher lors de la dépose en hélicoptère, un seul est « souris proof » et habitable ! Le second servant uniquement de lieu de stockage. Le temps d’une soirée et d’une nuit, nous cohabitons donc à 4 dans ce cube de 2m de côté. Pas besoin de radian dans ces conditions (de toute façon lui aussi a été perdu en même temps que le plancher…). Par ailleurs, notre ami Gener avait oublié de nous dire que la cabane n’avait pas de matelas. C’est donc à même le sol que nous avons passé la nuit ! Merci Géner….

embouchure de Rivière du Nord

Dimanche 6 juin 2010.

Finalement, la nuit n’aura pas été si mauvaise que ça ! Certes, ce n’est pas sans douleurs au dos que nous reprenons notre périple, mais la beauté de la vallée de Rivière du Nord et du Mt Moseley nous font rapidement oublier ces désagréments d’ordre physique.

Mont Moseley

Rivière du Nord

Alors que nous évoluons dans ce paysage vierge de toute présence humaine, la pluie, le brouillard et le vent viennent bientôt nous rappeler que nous sommes à Kerguelen et qu’il faut savoir composer avec la météo !

Il nous est difficile de voir ce qui nous entoure. Chacun se branche donc sur le mode « marche automatique ». Ainsi déconnectés de toute réalité, qu’elle soit physique, visuelle ou temporelle, nous marchons d’un bon pas pour rentrer sur Studer.

Au bout de 5h, nous retrouvons la cabane. Que dis-je ?…le palais de Studer : 3 radians, 6 couchages, une épicerie, des WC, une table et des chaises, une cuisine,…

Histoire de se faire pardonner de ne pas nous avoir prévenu de prendre des tapis de sol pour la veille, Matthieu décide de nous préparer des Calzone ! Et autant dire qu’après 4 jours de marche, ces dernières sont accueillies comme il se doit par nos estomacs ! En voilà un qui sait se faire pardonner !

Lundi 7 juin 2010.

Les meilleures choses ont une fin et il est déjà temps de rentrer sur base. Le transit n’étant pas bien long, nous profitons du confort des matelas de Studer pour faire une grasse matinée.

Il est presque 11h quand nous fermons les portes de la cabane.

Histoire de varier un peu, nous décidons de nous rendre à Jacky en passant par le Plateau du Tussok. Depuis la crête, il nous est possible d’avoir une vue panoramique sur le Val Studer, Rivière du Sud, Mt Crozier et Montagne Verte (deux sommets réalisables depuis Studer et que je ne manquerai pas de faire pendant l’été !). Et le ciel étant clair, il nous est possible d’apercevoir la base, Isthme Bas et une partie du Golf…encore et toujours des vues qui se passent de commentaires !

Val Studer depuis le Plateau du Tussok

Nous arrivons sur base vers 16h. Et comme d’habitude, malgré la déception de retrouver ce milieu anthropisé, le plaisir de lire les mails, de prendre une douche et d’enfiler des vêtements propres…

Sur base, l’ambiance est aux préparatifs ! Car la Mid Winter (coutume de toutes les bases polaires et subpolaires mondiales) approche à grands pas (du 21 au 25 juin)…mais ça, ça sera l’objet d’un futur post…

17 mai 2010

les ornithobios

Enfin propre !

Les affaires sales sont dans la machine, le sac est débarrassé, les mails sont lus, les photos sont téléchargées.

Ne me reste plus qu’à écrire pour achever ce petit rituel de retour de manip...


Bonjour tout le monde.


Voici deux semaines que j’ai quitté PAF pour retrouver les îles du Golf. Après avoir crapahuté à Sourcil Noir et Phonolite, Lise et moi avons retrouvé cet environnement qui nous est plus familier. Les îles sont notre terrain de jeu favori et je ne me lasse pas d’arpenter celles sur lesquelles nous avons la chance de séjourner. Des points de vue différents, une faune et une flore particulière…c’est une nuance infinie d’ambiances qui s’offre à nous.

Lundi 26 avril,

c’est parti pour 4 jours sur Mayès accompagnés de nos acolytes d’ornithos (Alexis et Pierrick).

Nous avions déjà fait un passage furtif sur l’île il y a un peu plus d’un mois pour réaliser des lectures de transects. Transects à qui nous avons de nouveau rendu visite pour effectuer des mesures de profondeur de sol.

Le lendemain, en fin de matinée, nous avons fini notre travail. Nous en avons donc profité pour donner un coup de main aux ornithos qui réalisent sur l’île un suivi démographique de la population de Pétrel Bleu. Ces oiseaux nocturnes vivent dans des terriers. Environs 200 sont marqués et contrôlés d’année en année. Le principe de la manip est simple : repérer les terriers et vérifier s’ils sont occupés ou non. Dans des positions bien souvent tordues et inconfortables, nous enfonçons le bras pour tenter d’atteindre la chambre. Les Pétrels disposent d’un crochet au bout du bec ! La présence d’un oiseau dans la chambre ne fait donc aucun doute ! Ne reste plus qu’à le sortir du terrier, l’identifier par son numéro de bague, le baguer si ce n’est pas encore fait et réaliser de la biométrie. Les choses ne sont malheureusement pas toujours aussi simples qu’il n’y paraît...les terriers sont de vrais labyrinthes!


Pétrel bleu


Pétrel plongeur

Mercredi soir, le ciel est dégagé. Le vent est faible. C’est le moment ou jamais pour faire une session de capture au filet. Tendu sur une vingtaine de mètre devant une zone de terriers, le filet permet de piéger les Pétrels en vol. Toutes les 15 min, nous allons récupérer les oiseaux pris dans la maille et les plaçons dans une poche en tissu pour limiter le stress. De retour à la cabane, Pierrick et Alexis se chargent d’identifier et mesurer les individus capturés avant de les relâcher. Un fond de musique, des murmures, des mouvements légers,…tout est fait pour que l’ambiance dans la cabane soit la plus calme possible. Une soirée vraiment géniale.

Lise relâche un Pétrel bleu...

...puis c'est mon tour!

Mais Mayès ne se résume malheureusement pas uniquement à ses oiseaux. Les Souris ont littéralement envahi l’île. A la nuit tombée, elles sont des vingtaines devant la cabane. A peine effrayées par notre présence, elles n’hésitent pas à nous courir entre les jambes. Fort heureusement, la cabane est « étanche » et leur présence ne se limite qu’à l’extérieur et aux cloisons (j’étais à deux doigts d’appeler les forces de l’ordre pour tapage nocturne).


Vendredi 30 avril,

nous quittons Mayès pour Australia. A notre tour de faire bosser les Ornithos …Une heure de manip et nous voilà tout les 4 (les ornithobios pour l’occas) en week end ! Ca tombe bien car nous avions prévu un petit trek de deux jours sur l’île (la deuxième plus grande du Golf après Ile Longue).

Australia Sud

Première étape, la cabane d’Australia Nord située à environ 4h de marche de la cabane d’Australia Sud. La météo est excellente et nous en profitons pour faire un détour par les hauts plateaux. L’occasion d’admirer l’île voisine qui n’est ni plus ni moins que Mayès. Depuis les hauteurs, elle semble bien petite mais les ornithos (un peu bretons) ne peuvent s’empêcher de clamer sa grandeur ! Il faut quand même se rendre à l’évidence : il est vrai qu’Australia, malgré ses paysages de rêve, fait pâle figure en terme de faune…on ne peut pas tout avoir !

Les ornithos et Mayes...toute une histoire d'amour!

la team Ornithobio

Le lendemain, passage au Nord Ouest de l’île pour admirer les lacs puis ascension du Mont Cookii avant de retourner à la cabane du Sud.

Après deux jours de marche sous le soleil (chose de plus en plus rare) nous retrouvons des lits douillets des images plein la tête. Mais vers 1h, impossible de fermer l’œil. Je m’étonne même à ressortir et finir mon bouquin (petite pub en passant pour La Princesse des glaces de Camilla Läckberg…super ! merci les amis). Je ne suis pas le seul à ne pas trouver le sommeil…


Lundi 03 mai,

Alors que nous faisons route en chaland vers Mayès pour y redéposer les ornithos, nous apprenons qu’il y a eu une grosse aurore australe dans la nuit…vers 1h du matin ! Or, les aurores provoquent des anomalies magnétiques ! Il ne nous en faut pas plus pour comprendre la raison de nos insomnies ! Morale de l’histoire : la prochaine fois que je n’arrive plus à dormir, d’abord aller jeter un œil dehors avant de se plonger dans un livre (merci les amis ! j’ai loupé une aurore ! lol).

Après une semaine passée en compagnie de nos amis ornithos, il est temps pour Lise et moi de retrouver la quiétude de notre binôme. Mais c’est sans compter sur les Choux et Azorelles de Ile Verte ! Ces derniers s’impatientent depuis janvier que nous leur rendions de nouveau visite !

Presqu'île Ronarch depuis la cabane de Verte...ma vue préférée!

Nous passons 4 jours assis, à genoux, à 4 pattes, courbés, allongés,…en fait n’importe quelle position qui permet d’avoir la tête au ras du sol…pour mesurer les Choux et Azorelles marqués.

Bien évidemment il nous faut composer avec la météo :

10h01, soleil sans vent.

10h15, pluie.

10h26, le vent s’est levé.

10h27, on se croit de nouveau en été.

10h33 on est en plein blizzard !

En 32 minutes, voilà les quatre saisons qui se sont succédées ! De quoi rendre chèvre une grenouille !

Heureusement, nos vêtements de terrain nous permettent de faire face à toute sorte d’intempérie. Et puis on finit par acquérir certains automatismes. Par exemple, quand on est à 4 pattes, toujours présenter le postérieur face au vent ! Primo, ça permet de protéger le visage de la grêle, les fesses étant beaucoup moins sensibles. Secundo, ça évite de faire du papier mâché avec les feuilles de manip !

Ile Suhm

Ecrit dans la nuit du 3 au 4 mai.

Ile Verte,

Dans la cabane, personne ne dort.

Lise s’est réfugiée dans un livre.

Je suis subjugué et hapé,

Fasciné et terrifié.


Il est 4h30.

Dissimulée par d’épais nuages, la Lune peine à éclairer la scène.

Dehors, tout est de gris.

De cette masse monochrome émergent des halots blanchâtres.

A folle allure, des ondes fantomatiques flottent, se déplacent et glissent à la surface de l’eau.


Le lit tremble,

La cabane vibre,

Ile Verte toute entière semble gronder.


L’air déferle sur notre abri.

Le bois craque.

Les murs grincent.


A ce stade,

Le tout n’est pas de savoir si la cabane a déjà affronté de telles forces,

Mais de savoir si elle peut résister à nouveau.


Car dehors,

Le vent souffle

Et la tempête fait rage.

A la VAC du lendemain, nous avons appris que dans la nuit le vent a soufflé à environ 150km/h de moyenne. Des rafales à 218km/h ont été enregistrées à proximité de la base (il y a eu quelques dégâts matériels).

Sur Ile Verte, il était hors de question de sortir un anémomètre à la main ! Nous ne saurons donc jamais à combien le vent a soufflé. Tout ce que je peux vous dire, c’est que Lise et moi en avions des crampes d’estomac tellement s’était flippant. Mais la cabane a tenu bon…merci l’IPEV de nous faire des abris aussi solides.

Sur ces bonnes paroles, je vous souhaite bon vent à tous.