20 juil. 2010

Manip Popchat à Ratmanoff

En mars dernier, je réalisais le tour de la Péninsule Courbet. C’était pour moi l’occasion de faire mes premières rencontres avec les Grands Albatros, otaries, Gorfous macaroni et la colonie de Manchots royaux de Ratmanoff.


cabane du Guetteur

4 mois se sont écoulés, et le temps a fait son travail. La semaine dernière, c’est un décor et une faune tout à fait différents que j’ai pu redécouvrir. Et c’est sans doute là l’un des charmes de Kerguelen. Il est impossible de ressentir une quelconque lassitude puisque les choses sont continuellement en mouvement.

Les poussins de Grand Albatros, encore dans l’œuf en mars, sont désormais de grosses peluches blanches dont le duvet épais ondule sous l’impulsion du vent. Impassibles, installés sur leurs nids, ils regardent passer les marcheurs que nous sommes du coin de l’œil.

Les otaries et éléphants de mer, encore nombreux sur la côte lors du dernier transit, ont presque tous déserté les plages pour aller se nourrir en mer.

Du cadavre de la baleine à bosse, il ne reste plus que les ossements et quelques lambeaux de graisse.

Et que dire de Ratmanoff ? J’y avais découvert, non sans émotion, la colonie de Manchot royal. A l’époque, certains adultes couvaient leur œuf tandis que d’autres tenaient au chaud, posés sur leurs pattes, leur poussin aux allures de E.T. Les choses ont bien changé ! Et les petits extraterrestres ont grandi. Trop gros pour pouvoir se blottir sous le repli dermique des adultes, ils se sont émancipés. La colonie prend alors tout son sens. Car les poussins sont encore sujets à une grosse pression de prédation. Les Pétrels géants ne sont jamais bien loin et ils veillent d’un œil intéressé le mouvement des petits. Malheur à celui qui, un peu trop intrépide, s’éloigne du groupe. J’ai eu la chance et l’effroi d’assister à une de ces scènes d’une violente beauté. Bien entendu, étant hors de question d’agir, je me suis contenté d’observer le spectacle parfois impitoyable de la Nature. Ceci dit, afin de limiter la casse et pour se tenir chaud, les poussins sont réunis en crèches, elles-mêmes protégées par les adultes. Les boules duveteuses, à la démarche et à la posture des plus comiques, attendent avec impatience le retour de leurs parents pour être nourris. La reconnaissance entre les adultes et leur progéniture se fait par le chant. De jour comme de nuit, il règne donc à Ratmanoff une ambiance sonore continue qui s’harmonise parfaitement avec le spectacle visuel que nous offre la colonie.

Poussins réunis en crèche

Adulte et son poussin

Le paysage a quant à lui revêtu sa tenue hivernale. Les souilles s’affermissent. Les ruisseaux et étangs se pétrifient. Et la neige vient parfois s’étaler, telle une toison blanche, à la surface de ce sol gelé. Les sons sont feutrés et l’espace de quelques heures je me sens projeté dans La Marche de l’Empereur. Alors que j’observe et photographie, j’ai conscience que jamais plus je ne reverrai ce tableau vivant. Que ces images, d’une incroyable intensité, presque irrationnelles, font de cet instant un instant magique et inoubliable. Mais surtout, je réalise que cette vision, qui s’inscrit pourtant dans une fraction infime de ma vie, s’est ancrée en moi et continuera de m’influencer. Kerguelen, voyage à l’autre bout du monde ; voyage intérieur. C’est peut être bien ça le Syndrôme de Kerguelen.

Léopard de mer

Festin des Pétrels géants

Dans ce monde en constante évolution, seul l’océan et le vent continuent d’agir, écartés de toute contrainte temporelle. Les vagues déferlent sur la plage. Les vents dominants, quant à eux, brasent l’air dans le sens opposé. Il en résulte un affrontement permanent où chacun tente de dominer l’autre. Les vagues s’écrasent en formant de magnifiques rouleaux, et le vent rejette les embruns en arrière telle une traîne. Voilà un mariage hors du commun !

vol de canards d'Eaton au crépuscule

Vous allez finir par croire que je suis allé à Ratmanoff pour faire du tourisme ! Ce n’était pas le cas. Avec Lise, nous accompagnions Léo, le Popchat, pour l’aider dans son travail.

Mais que vient faire un Popchat dans cette histoire ?

Il faut savoir que quand l’Homme a débarqué sur l’archipel, il est venu accompagné. D’après les historiques, il semblerait que 3 ou 4 chats domestiques ont eux aussi mis pied à terre. Chats qui sont retourné à la vie sauvage et qui n’ont pas manqué de batifoler entre eux ! Ils sont aujourd’hui entre 6000 et 7000 individus. Cette introduction est bien évidemment un désastre pour l’avifaune autochtone. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, le Chat a quand même su prendre sa place dans l’écosystème et un nouvel équilibre s’est créé. Il permet entre autre de réguler la population de lapins qui sont friands…des Choux de Kerguelen et qui favorisent l’érosion des sols ! Eradiquer le Chat serait certes une très bonne solution pour limiter la prédation sur l’avifaune mais en parallèle, c’est la flore autochtone qui risquerait de prendre un sacré coup dans l’aile. C’est quand même bien fait la nature !

Le travail du Popchat consiste à étudier les populations établies sur 5 sites : Sourcils Noirs, Port Jeanne d’Arc, Port aux Français, Port Couvreux et Ratmanoff. Chaque site dispose d’un transect le long duquel Léo observe la présence de chats. Ca permet d’avoir une estimation de leur effectif. Il lui incombe également de réaliser des sessions de capture afin de pouvoir effectuer de la biométrie après quoi le chat est systématiquement relâché.

Un travail très intéressant mais aussi très physique. Entre la pause des pièges (qui font leur poids), les multiples allers-retours pour la relève de ces mêmes pièges, le transect à parcourir plusieurs fois par semaine,…c’est une manip pour le moins fatigante.