24 janv. 2010

Longue et Cimetière

On est dimanche, et comme tout les dimanches le repas de midi est décalé de 30 min. Et comme il est 11h55, ça me laisse un peu de temps pour donner quelques news fraîches (pas très vrai en ce moment). C’est maintenant ou jamais car demain on repart sur le terrain pour deux semaines. Au programme, 3 jours sur Ile Haute, 6 jours sur Ile Australia et 4 jours sur Ile Mayès. Que d’îles me direz-vous ! Et oui c’est l’avantage du programme Ecobio : on bouge beaucoup et dans des endroits différents. On est des petits chanceux parmi les chanceux !

Comme d’habitude, le retour sur base est toujours un moment assez stressant. Il faut de nouveau tout anticiper, préparer les prochaines manips, faire signer nos feuilles de manip,…mais ça permet aussi de renouer contact avec la civilisation et avec le confort ! Faut dire qu’après une semaine passée dehors et en cabane, la douche n’est pas superflue ! Seul avantage : pas besoin de gel pour se coiffer ! Les cheveux sont tellement gras que tu peux les modeler à volonté…sacrée économie…

Vous l’aurez compris, je reviens d’une semaine de manip. 4 jours sur Ile Longue, puis 3 jours sur Ile du Cimetière. Quel plaisir de pouvoir les découvrir avec une météo des plus estivale. On est en été ici et ça s’est vraiment fait ressentir cette semaine. Voilà un peu plus d’une semaine maintenant que le soleil et le ciel bleu sont de la partie. Le vent est calme, le ciel dégagé (le Mont Ross est visible tout les jours) et la température grimpe ! On s’étonne à abandonner la Gore Tex à la cabane et on finit même par laisser tomber la polaire. Bien entendu, la crème solaire ne faisant pas vraiment partie de notre fond de sac, on a très vite fait d’attraper des couleurs ainsi que des coups de soleil ! Heureusement, il y a toujours un tube de Biafine qui traîne dans les trousses à pharmacie! Sauvés. En tout cas, c’est une chose suffisamment rare pour qu’on en profite au maximum. Résultat des courses, on commence les manips le plus tôt possible le matin histoire de nous laisser le temps de flâner au soleil en fin de journée ! Un pur délice.

Nous avons commencé notre petit périple par île Longue…pas besoin de vous expliquer la raison de ce nom ! Notre travail sur place consistait à poser 17 transects de végétation dans la partie centrale de l’île. Hors de question de les installer n’importe où. Chaque transect doit répondre à des critères sur le milieu (par exemple Pelouse à Poa annua, Zone humide,…). Donc avant de commencer quoique ce soit, une première rando est nécessaire histoire de repérer des sites potentiels. Nous voilà, Lise et moi, à arpenter cette île…

C’est une île particulièrement étonnante. Tout d’abord, il faut savoir que c’est ici qu’est effectué l’élevage des Moutons Bizet (qui permettent de nourrir la base). Pas loin de 3000 têtes se partagent des parcelles riches en graminées (introduites ça va sans dire !). Les brebis et les béliers sont séparés pour éviter toute reproduction ! Apparemment les barrières ne sont pas à 100% étanches à en juger par le nombre d’agneaux…Les moutons, rarement tondus, portent une laine épaisse (environ 30kg) qui se dreade…des Rastas moutons en quelque sorte !

Le relief de l’île combiné à ces verts pâturages lui donnent des allures de prairies alpines. On prend très vite de la hauteur et l’île bénéficie d’une place privilégiée pour admirer l’organisation chaotique des îles dans le Golf du Morbihan. Le Mont Ross quant à lui nous fait l’honneur d’être parfaitement dégagé pendant toute la durée de notre séjour.

Par ailleurs, Lise et moi avons semble-t-il un sens de l’orientation hors paire ! Voilà comment on a bien failli se perdre sur les plateaux sommitaux de l’île. Mais comme on dit, « c’est en se perdant qu’on découvre » ! Dans notre errance, nous avons eu le plaisir de tomber sur ce lac d’altitude, qui tel une piscine à débordement semblait se déverser dans le Golf...Et comme la nature fait bien les choses, une petite plage de sable nous attendait ! L’occasion de retirer les bottes et de décongestionner nos pieds endoloris dans une eau tiède !

Au bout de deux jours et demi de travail, nous finissons de poser notre dernier transect. Et la météo étant toujours au beau fixe, nous décidons de flâner un peu et de partir pêcher de la truite dans un des lacs supérieurs. Au bout du compte, quelques touches et deux truites de 30 cm pour le dîner ! Si j’avais su qu’il fallait que je vienne à Kerguelen pour apprendre à pêcher !

La dernière matinée (mercredi 20), le berger a profité de notre disponibilité pour rabattre des agneaux afin de les tondre. Expérience amusante et parfois un peu flippante quand tout d’un coup un groupe de 50 agneaux, sentant le piège se refermer sur eux, te foncent dessus pour fuir. Surtout garder son sang froid, rester à sa place, leur faire face en criant et en agitant un pull…et ça fonctionne…au dernier moment ils font demi tour dans une frénésie collective…il y a pas à dire, c’est bête un mouton !

Normalement, le chaland devait venir nous chercher en fin de matinée. Mais comme le Golf était un pur miroir, on est venu nous prendre plus tôt en zodiac histoire de faire gagner du temps aux marins. Trop la classe de faire ce transfert Longue-Cimetière en surfant à toute allure sur cette mer d’huile. Les îles du Golf défilent sous tes yeux, les cheveux (gras) au vent, l’air pur et frais de la mer…une sensation de liberté.

Au bout de 40 min de zodiac, nous arrivons enfin sur Ile du Cimetière. Nous sommes accueillis sur la plage de galet noir par une petite colonie de Manchots Royaux. Ces majors d’hommes nous regardent d’un air suspect et semblent comploter sur notre dos ! Il faut dire qu’ils sont peu habitués à voir des hommes. Car contrairement à Ile Longue, l’île du Cimetière est très rarement visitée. En fait seul le programme Ecobio continue d’y réaliser des manips une fois par an…un privilège ? Oui et non ! Tout dépend de la météo ! Car cette fréquentation très limitée de l’île a entraîné un pseudo abandon de la cabane ! On nous avait bien prévenu avant notre départ… « Prévoyez TOUT ». Sur ces bons conseils, nous avions donc amené tout le matériel de camping : lampe à gaz, réchau, eau, matelas,…

La cabane est située derrière une petite barre rocheuse et n’est donc pas visible depuis la plage. Il nous faut monter la côté, chargés comme des mules pour atteindre notre logement. Après 10 min de montée, la cabane nous apparaît enfin ! Et on a beau être prévenu, ça surprend ! Vu d’extérieur, la cabane prend des allures cosmiques. Les fuites ont été réparées au fil des années avec du recouvrement de toiture et des pierres cèlent le tout ! Une Cyber cabane ! Heureusement, l’intérieur n’a rien à voir avec l’extérieur. Après un bon coup de balai, elle devient même très chaleureuse, presque luxueuse si on oublie le fait qu’il n’y a que les murs !

Le soleil était une fois de plus au rendez-vous. La manip « lecture de transect », s’est donc avérée plutôt agréable. Jeudi après-midi, travail terminé, il ne nous restait plus qu’à profiter (encore) de cette météo exceptionnelle. L’occasion aussi d’aller faire un tour vers le Cimetière de l’île (ce qui explique son nom). 18 baleiniers y ont été enterrés.

A l’heure où je finis d’écrire ce message, nous venons tout juste de finir de préparer le matériel pour les manips qui nous attendent. Me reste plus qu’à faire mon sac. Je croise les doigts pour que la météo soit aussi bonne que la semaine précédente…mais il ne faut pas rêver ! Une dégradation est prévue dès demain et le vent va souffler…rafales à 60 nœuds annoncées ! Je sens que les feuilles de manips vont voler !

8 janv. 2010

Ile Verte

Je refais surface après un petit séjour de 4 jours sur Ile Verte. L'occasion pour moi pour de vous faire découvrir une autre facette de Kerguelen.

Pour replacer le tout dans son contexte, le programme Ecobio pour lequel je bosse suit sur plusieurs îles du Golf du Morbihan (de Kerguelen) des populations de Choux de Kerguelen et d'Azorelle. Chaque île ayant sa propre histoire (présence ou absence de lapin, éradication du lapin, présence de chats,...) cela permet d'étudier sur le long terme comment s'adapte la végétation originelle pour chacun de ces patrons. Sur le terrain, notre travail consiste à repérer sur le pourtour des îles des Choux et Azorelles marqués, d'effectuer des mesures biométriques et de marquer des germinations.


Nous voilà donc, tels des naufragés, à nous approprier cette petite île dont le point culminant de dépasse guère 50m. Ca peut sembler peu sur papier, mais quand tu fais au moins un tour de l'île par jour et quelques détours vers le centre, tu es bien content de regagner le confort de la petite cabane qui nous a servi de refuge.

Une cabane elle aussi sans prétention mais qui s'est avérée particulièrement chaleureuse. Un intérieur en bois, personnalisé et décoré au fil des années par les différents occupants. Une cabane qui s'est imprégnée de toute une histoire que tu peux lire et découvrir dans les dessins et petits mots sur les murs. Tu plonges dans l'intimité d'un lieu chargé d'émotions.

Tu regardes par la fenêtre et découvres un panorama sur le Golf du Mobihan et ses îles. Alors que tu scannes ce paysage de rêve pour essayer de le graver dans un coin de ta tête, ton regard se fige sur la petite colonie de Papou qui a élu domicile sur la plage en contrebas. Ils batifolent dans l'eau et se prélassent sur des matelas de Leptinella plumosa sans se soucier de ce nouveau voisinage!

Le dessous de la cabane semble lui aussi un abris douillet pour quelques Pétrels et Océanites qui semblent gênées par le bruit que nous faisons. Elles nous le font clairement comprendre par leurs petits cris...c'est ce qu'on appelle un conflit de voisinage!

Et pour finir, une colonie de Cormorans niche sur la petite falaise située sur la plage. Les poussins sont déjà bien grands (pratiquement aussi gros que les parents) et encore vêtus de leurs gros duvet grisâtre. Ils harcèlent les parents pour un peu de nourriture. Ces derniers cherchent désespérément à dormir et ignorent les petits en plongeant leur tête sous les ailes.

Notre manip nous oblige à réaliser le tour de l'île. Encore l'occasion de croiser ces oiseaux aux comportements si différents l'un de l'autre. Ainsi, les Chionis (aussi appelés Pougeons car ils font penser à des poules et sont aussi bêtes que des pigeons) semblent particulièrement intrigués par ces bipèdes qui mesurent des choux. Ils n'hésitent pas à s'approcher par curiosité! Les Goélands quant à eux nous font bien comprendre que nous sommes sur leur territoire en volant autour de nous et en tentant de nous chier dessus (heureusement, le vent rend ce genre d'objectif assez difficile à atteindre). Les Sternes, aussi petites et belles soient-elles, tentent de nous intimider en nous plongeant dessus et en poussant des petits cris de mécontentement. La méthode est plutôt concluante et nous fuyons pour leurs échapper! Bien sûr tout ça nous fait bien rire sur le coup mais quand il s'avère que ta station de Choux se situe en plein dans leur territoire, ça commence réellement à devenir inquiétant! Enfin, les Skuas veillent à ce que nous ne fassions que passer sur leur territoire. Dès lors que tu passes la frontière, ils s'envolent et foncent droit vers toi avant de se poser ailes déployées à tes côtés. Ils se contentent ensuite de te suivre telle une escorte jusqu'à ce que tu sois sorti de leur espace vital. Un espace jonché de cadavres d'oiseaux. Car ces oiseaux chassent les petits Pétrels Bleus qui nichent dans des terriers. On en a vu creuser dans la terre située au dessus de la chambre pour pouvoir en extirper le poussin et ainsi pouvoir nourrir leur propre rejeton! Film d'horreur ou dure Loi de la nature? Le problème, c'est qu'à Kerguelen les cadavres se décomposent très lentement! L'ambiance qui émane de ces véritables charniers s'avère même parfois un peu pesante.

Remis de toutes ces émotions, nous regagnons la cabane. La chaleur dégagée par les radians est accueillie à bras ouverts et permet de faire sécher les vêtements (si il a plu). Le corps ainsi réchauffé nous nous réunissons à table, à la lueur d'une bougie autour d'un apéro. Une ambiance qui prête aux petites confidences et à ces merveilleuses discussions qui refont le monde. L'heure tourne, le soleil se couche et l'estomac crie famine après cette journée de terrain. Heureusement, les cabanes sont richement ravitaillées par l’IPEV et nous avons embarqué du frais (oeufs, fromage, viande, pain,...) avec nous. Les repas sont copieux mais tellement bon. Quoi de mieux qu'un bon boeuf bourguignon ou une tartiflette pour se remplir la panse. Et puis le hasard à plutôt bien fait les choses: c'était l'anniversaire de Lise le 06. Nous avons donc eu droit au fois gras et au Sauternes! Prétexte également pour faire un gâteau au chocolat et un crumble aux poires et caramel au beurre salé! Des plaisirs qui sont déjà bien appréciés en métropole mais qui prennent une tout autre dimension dans cette petite cabane.

Bien entendu, tout est relatif et ce confort reste sommaire dès qu'il s'agit de se laver ou d'aller aux toilettes! Ici, pas de salle de bains et encore moins de WC. Nous nous contentons donc de nous laver les dents et de nous rincer le visage à l'eau de pluie. La plage quant à elle sera un endroit de premier choix pour faire ses besoins! Le simple fait d'uriner relève de l'aventure quand il y a du vent! Les anciens hivernants, riches d'une année d'expérience, nous ont ainsi conseillé d'adopter la position "3/4 dos au vent"...seul moyen de pas d'en mettre partout! C'était pour la petite anecdote!

Chaque jour, à 17h30 précise, nous renouons contact avec la base. C'est en effet l'heure de la VAC. C'est un moment que j'apprécie particulièrement. En fait, pour des raisons de sécurité, chaque groupe de manipeur doit contacter le BCR (centre de communication sur base) pour confirmer que tout va bien. Du coup, à 17h30, tout le monde hors base cesse l'activité en cours pour se brancher sur le canal 26 ou 27. Tour à tour, on peut donc entendre la voix de personnes que je n'ai même pas encore croisé sur base. C'est aussi l'occasion de recevoir le bilan météo pour les deux journées à venir (...important pour planifier les manips!) ou de passer des petits messages persos. Voilà comment toute l'île Kerguelen a pu souhaiter un joyeux anni à Lise!

4 jours se sont écoulés et il est déjà temps de repartir. Le chaland ne passe que vers midi et comme nous avons fini nos manips, nous en profitons pour faire un cake avec les restes et quelques cookies...histoire de faire plaisir aux pilotes du chaland et d'évacuer les restes (à Kerguelen, rien ne se perd, tout se transforme).

Aux alentours de 11h30, nous entendons le bruit du chaland qui approche et qui vient beacher (action de s'échouer sur la plage) pour nous permettre de monter à bord avec notre matériel. Puis nous faisons cap vers PAF qui prend d'un coup des dimensions énormes en comparaison à la vie en cabane. Un retour à la civilisation, aux horaires fixes, au stress! C'est réellement comme un retour en ville après une semaine de rando dans les Alpes ou un sejour en campagne! Mais c'est aussi un joie de pouvoir a nouveau prendre une douche et consulter ses mails!